L’avènement de la télé-réalité et des influenceurs couplé au boom des réseaux sociaux ont amené de nombreuses dérives. Outre les arnaques liées aux sites douteux de dropshipping, il y a bien plus grave, car il s’agit de santé: la promotion de pratiques médicales esthétiques dont certaines sont illégales. Et la mise en avant de standards physiques stéréotypés, qui doit être dénoncée.

 

Par Judith Girard-Marczak

Merci au Dr. Aurélie Fabie-Boulard  et au Dr. Eric Plot, membres de la SOFCEP www.chirurgiens-esthetiques-plasticiens.com

Photo d’illustration Christian Wiediger

 

Les millenials et la Z génération en première ligne mais pas que

Adeptes de Snapchat, TikTok et des TV réalités, les 18-35 ans se regardent désormais non plus dans le miroir mais à travers le prisme de leurs influenceurs préférés et à travers les filtres que ces réseaux sociaux offrent. La mode est aux bouches pulpeuses, aux fesses Kardashian, à la taille fine, au 95D voire plus et aux nez retroussés. Il suffit de regarder un épisode des Marseillais ou des Anges, on ne sait pas qui est qui. Elles se ressemblent toutes. Leurs comptes Instagram sont des copié-collé les uns des autres: mêmes poses, mêmes mimiques. Par ricochet ces influenceuses dont les followers se comptent par millions (Nabilla 5,5 millions, Jessica Thivenin 5,1 millions) véhiculent un certain physique, comme étant « celui qu’il faut avoir » auprès de leur public qui ne compte pas que des 18-35. Certes de tous temps, femmes et hommes ont cherché à ressembler à, ou imiter rois et reines, stars de cinéma ou même la Barbie de notre enfance mais aujourd’hui la médecine et la chirurgie esthétique changent la donne. On ne se contente pas de copier une mode vestimentaire, une coiffure, on transforme son corps et son visage. Le digital est omniprésent dans tous les secteurs privés et professionnels et même si vous n’êtes pas abonnée à ces personnages publics, malgré vous, ils s’imposent à vous dans les journaux, la télé ou internet. L’effet est là, sans que vous vous en rendiez compte.

 

 

Des dérives sur les RS  ?

Comme le dispose l’article R. 4127-13 du Code de la santé publique, la publicité est aujourd’hui interdite aux médecins. Toutefois dans une étude publiée en 2018, le Conseil d’Etat préconise un « enrichissement de l’information délivrée au public par les professionnels de santé », mais selon un cadre très strict. Il existe donc actuellement un flou juridique concernant les médecins ou chirurgiens  qui ont un compte Instagram ou Snapchat où il diffusent des avant-après, des interventions en live (aux USA le Dr Michael Salzhauer @the realdrmiami qui fut le 1er à diffuser ses interventions sur Snapchat mais auquel évidemment la loi française ne s’applique pas ou Dr Matthew Schulman @nycpalsticsurg qui comptabilise à ce jour plus d’un million de vues quotidiennes sur Snapchat). La France n’est pas en reste mais avec des chiffres moindres mais il n’empêche que les comptes sont publics, accessibles à toutes et tous quel que soit l’âge. Certains n’hésitent pas à faire le buzz avec leurs clientes et/ou amies « people ». Alors pub ou pas pub ? Pas pub car jamais ils ne font de posts sponsorisés mais les coordonnées sont affichées. Il est vrai que personne ne vous oblige à les suivre et les posts répondent souvent à des questions que l’on pourrait se poser sur telle ou telle technique, par curiosité ou en vue d’une intervention. Là où il y a vraie dérive (je l’ai moi même expérimenté en m’abonnant à un compte d’une clinique esthétique ayant pignon sur rue) c’est lorsqu’un professionnel de santé, en l’occurence dans le domaine esthétique, propose en DM une réduction sur un acte esthétique (médical ou chirurgical) en remerciement du « follow » !!!

 

 

Les promotions dangereuses des influenceurs

Certains influenceurs vous arnaquent, arnaquent aussi principalement les plus jeunes en « pubant » des sites de dropshipping qui vendent 10x plus cher des produits shippés directement d’un fabricant AliExpress. C’est pas joli-joli mais ça ne fait mal qu’au portefeuille. C’est bien entendu très dommageable pour les foyers à moindre revenu mais vous ne risquez pas la mort. Je me suis mise il y a environ 2 ans à suivre sur Snapchat et Instagram des comptes d’influenceuses et de starlettes de Tv-réalité non pas par passion mais tout simplement ayant à la maison des enfants (de 12 et 13 ans aujourd’hui) et j’ai vu des choses qui m’ont laissée ….. pantoise ! Un certain nombre d’influenceuses font la promotion du tourisme esthétique notamment en Tunisie, se snappent avant d’être intubées pour leur liposuccion, filment des opérations en étant présentes au bloc et décrivent en détail combien elles ont été choyées, combien elles sont satisfaites, et pour finir vous donnent souvent le fameux « code promo ». Mais comment en est-on arrivé là ? Je ne mets pas en cause le professionnalisme des chirurgiens tunisiens mais on ne plaisante pas avec une opération, esthétique ou non et ses suites. Là, vous arrivez, on vous opère, vous ressortez, vous restez 2 petits jours à l’hôtel et on vous remet dans l’avion direction chez vous. Peu importe si vos cicatrices craquent, si vous avez contracté une infection …. Débrouillez vous. Votre seul moyen de communication avec la clinique c’est WhatsApp. Las, je n’avais pas vu le pire … Des témoignages édifiants de patientes opérées ont commencé à surgir ici et là, accompagnés de photos très gore d’infections, de chairs à vif, ou de ratages flagrants. Sans qu’aucune des patientes n’ait le moindre recours !

La santé, on en a qu’une. Vous souhaitez bénéficier, pour vos propres raisons qu’en aucun cas je ne me permettrai de remettre en cause, d’une opération de chirurgie esthétique: surtout ne cédez pas aux sirènes de l’esthétique low cost. Bien entendu, il ne faut pas faire une généralité et bien entendu les problèmes restent des exceptions. Vous pouvez aussi en avoir en France des problèmes (rappelez vous du Dr Maure, le faux chirurgien esthétique, les prothèses PIP etc….). En vous faisant opérer en France, par un chirurgien qui ne vous a pas proposé un code promo, vous aurez un suivi. Vous pourrez retourner le voir au moindre problème, vous serez prise en charge, et aurez un suivi. Le chirurgien vous reverra à J+30 ou plus selon l’opération. La SOFCEP vous fournira la liste de ses adhérents mais il existe d’autres chirurgiens non adhérents dont le sérieux n’est plus à prouver.

 

 

La face très sombre et dangereuse des RS

Je ne pouvais finir cet article sans évoquer la pratique illégale de la médecine esthétique, notamment les injections par des esthéticiennes ou des infirmières. Je vous vois faire des yeux ronds devant votre écran. Oui ça existe et c’est même très courant. Attention, je ne parle pas de microneedling, qui est un traitement non invasif pour traiter les signes du vieillissement cutané et améliorer la texture et la tonicité de la peau.Le soin est effectué avec un stylo électrique muni de plusieurs micro-aiguilles à usage unique qui peuvent se présenter sous différents diamètres et nombre d’aiguilles. Ce soin peut être effectué en institut. Je vous parle d’injections d’acide hyaluronique ou de botox effectuées par des « praticiens » qui n’ont absolument aucune formation pour le faire ! Il suffit de taper le mot injection sur Instagram et rechercher par nom de compte et là se présente une bien trop longue liste de comptes qui commencent par « injection by ….. ». Les comptes sont tous privés bien évidemment (ceux basés en France), mais une fois que vous avez été admise dans le saint des saints (notamment un compte à 37,3k d’abonnés …) vous avez accès à toutes les photos des « réalisations » et en DM le « menu »: lèvres 200 euros 1ml, 300 euros 1,5ml, pommettes 400 euros etc … etc.. etc.. Une injection mal réalisée peut conduire à une nécrose de la peau, des lèvres, du nez, voire à une cécité ou un accident vasculaire. Je m’abstiendrai d’illustrer ce paragraphe avec des photos absolument horribles mais croyez moi sur parole, le jeu n’en vaut pas la chandelle. L’économie réalisée (cf paragraphe précédent sur la chirurgie low-cost) ne vaut en aucun cas qu’on mette sa vie en danger.

Avant tout geste de ce type, même si les injections vous semblent anodines tant elles sont devenues banales et monnaie courante, renseignez vous. N’hésitez pas à poser des questions sur la formation et surtout rappelez vous que seuls des médecins sont habilités à vous injecter !